lundi 21 octobre 2013

extrait du journal

extrait du journal 

Samedi 20 juin 1942
C’est une sensation très étrange, pour quelqu’un dans mon genre, d’écrire un journal. Non seulement je n’ai jamais écrit, mais il me semble que plus tard, ni moi ni personne ne s’intéressera aux confidences d’une écolière de treize ans. Mais à vrai dire, cela n’a pas d’importance, j’ai envie d’écrire et bien plus encore de dire vraiment ce que j’ai sur le cœur une bonne fois pour toutes à propos d’un tas de choses.

Mercredi 8 juillet 1942
Chère Kitty,
Depuis dimanche matin, on dirait que des années se sont écoulées, il s’est passé tant de choses qu’il me semble que le monde entier s’est mis tout à coup sens dessus dessous, mais tu vois, Kitty, je vis encore et c’est le principal, dit Papa. Oui, c’est vrai, je vis encore, mais ne me demande pas où ni comment. J’ai l’impression que tu ne comprends rien à ce que je te dis aujourd’hui, c’est pourquoi je vais commencer par te raconter ce qui s’est passé dimanche après-midi.

Samedi 11 juillet 1942
Papa, Maman et Margot ont encore du mal à s’habituer au carillon de la Westertoren, qui sonne tous les quarts d’heure. Moi pas, je l’ai tout de suite aimé, et surtout la nuit, c’est un bruit rassurant. Il t’intéressera peut-être de savoir quelle impression cela me fait de me cacher, eh bien, tout ce que je peux te dire, c’est que je n’en sais encore trop rien. Je crois que je ne me sentirai jamais chez moi dans cette maison, ce qui ne signifie absolument pas que je m’y sens mal, mais plutôt comme dans une pension de famille assez singulière où je serais en vacances.

Jeudi 6 janvier 1944
Chère Kitty,
Mon désir de parler à quelqu’un a pris de telles proportions que j’ai fini par avoir envie de parler à Peter. Quand il m’arrivait de venir dans sa chambre, là-haut, à la lumière de la lampe, je m’y sentais toujours bien, mais comme Peter est toujours trop timide pour mettre quelqu’un à la porte, je n’osais pas rester longtemps, car j’avais peur qu’il ne me trouve affreusement agaçante. Je continuais à chercher la moindre occasion de parler un moment avec lui et celle-ci s’est présentée hier. Peter a attrapé la manie des mots croisés et y passe toute sa journée, je l’ai aidé et bientôt, nous étions installés l’un en face de l’autre à sa petite table, lui sur la chaise, moi sur le divan.

Vendredi 21 juillet 1944
Chère Kitty,
A présent, je suis pleine d’espoir, enfin tout va bien. Tout va même très bien ! Superbes nouvelles ! On a tenté d’assassiner Hitler, et pour une fois il ne s’agit pas de communistes juifs ou de capitalistes anglais mais d’un général allemand de haute lignée germanique, un comte qui en plus est encore jeune. La Providence divine a sauvé la vie du Führer et, malheureusement, il s’en est tiré avec seulement quelques égratignures et des brûlures. Plusieurs officiers et généraux de son entourage immédiat ont été tués ou blessés.

Mardi 1er août 1944
Chère Kitty,
(...)
J’ai peur que tous ceux qui me connaissent telle que je suis toujours ne découvrent mon autre côté, le côté plus beau et meilleur. J’ai peur qu’ils se moquent de moi, me trouvent ridicule, sentimentale, ne me prennent pas au sérieux. J’ai l’habitude de ne pas être prise au sérieux, mais seule l’Anne insouciante y est habituée et arrive à le supporter, l’Anne profonde n’en a pas la force. Quand il m’arrive vraiment de me forcer à soumettre la gentille Anne aux feux de la rampe pendant un quart d’heure, celle-ci se rétracte comme une sensitive dès qu’elle doit ouvrir la bouche, laisse la parole à Anne numéro 1 et a disparu avant que je ne m’en aperçoive.

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